XXe-XXIe siècles
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Prolongeant le récit, paru en 2003, des deux cents ans d’histoire de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, le présent ouvrage propose une étude complémentaire à caractère thématique fondée sur les travaux d’un colloque qui s’est tenu la même année.
La première partie traite de l’institution elle-même, principalement dans sa fonction de corps intermédiaire, mais aussi dans son organisation et dans son positionnement national. Les trois suivantes examinent les multiples activités de la Chambre autour de ses différents champs d’intervention : les hommes, avec la politique sociale et surtout la formation ; les entreprises, avec les prises de position sur la législation et sur la politique économiques, tout comme avec la mission d’information et de conseil ; les territoires, avec les actions de développement international et régional. Chacun de ces thèmes fait l’objet d’une série de communications qui fait alterner gros plans et visions panoramiques. Après quoi, une ou deux tables rondes réunissent acteurs et témoins pour éclairer le lien entre le passé analysé par les historiens et la période contemporaine que restituent ceux qui l’ont vécue.
Par la variété des sujets et des angles de vue, comme par la richesse des matériaux et des analyses, l’ouvrage offre ainsi à la fois de larges perspectives et la possibilité de satisfaire des curiosités plus ciblées. En tout état de cause, il montre concrètement comment, loin parfois des feux de l’actualité, un corps intermédiaire tel que la Chambre de commerce et d’industrie de Paris contribue dans la durée à l’action économique de la France.
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A près de cent ans de distance, la littérature mais aussi le cinéma recommencent à interroger cet événement majeur du XXe siècle : on assisté ces derniers temps à une véritable (ré)appropriation de cette période, en particulier par des écrivains nés après 1945 et qui n'ont donc connu aucune guerre.
Malgré l'actualité incontestable de la problématique, la littérature s'inspirant de 14-18 restait à ce jour peu étudiée, même si les historiens ont interrogé les textes sur leur fidélité à l'histoire et sur les choix idéologiques. Des questions plus spécifiquement littéraires méritent toutefois également l'attention : l'intertextualité, les rapprochements avec les littératures étrangères, les liens avec d'autres formes artistiques, les rapports entre narration et description, les modes de représentation, la question du "réalisme" se dégagent ainsi comme axes de recherches importants, parmi d'autres.
Les études que nous publions ici font suite au colloque international co-organisé par l'Université de Gand et le musée In Flanders Fields, et qui s'est déroulé à Ypres et à la Villa Marguerite Yourcenar du 13 au 15 mars 2008. Qu'elles soient signées par des littéraires ou par des historiens, les analyses placent toutes les textes des ouvres au centre de leur interrogation.
Les contributions ont été regroupées à l'intérieur de cinq catégories, d'après l'accent central de chacune d'entre elles : écrire et témoigner, Romans de l'entre-deux-guerres, Regards croisés, Ecritures contemporaines, Littérature et images. L'ensemble est complété par la transcription des échanges qui ont réuni Gisèle Bienne, Didier Daeninckx, Roger Grenier, Xavier Hanotte, Jean Rouaud, Raoul Servais et Jean-Marc Turine.
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Quoiqu’il ait longtemps été défini par son indétermination, le roman est un genre fortement contraint, depuis ses origines, par l’exigence toute profane de se consacrer à l’imperfection humaine. S’inscrivant dans les marges des grands genres, l’épopée et la tragédie, il prend pour objet la dimension ordinaire de l’existence, souvent à travers des aventures amoureuses écrites dans un style qui tienne le milieu entre le sublime et le bas. En posant les jalons d’une nouvelle histoire du roman, Sylvie Thorel-Cailleteau montre comment prend forme cet art de la médiocrité, lié à l’exercice de la prose et dont les expressions varient : alors que, dans son acception classique, la médiocrité désignait la convenance de l’œuvre à un public choisi, elle tend par la suite à se confondre avec la vulgarité, sinon la trivialité, dont les romanciers du XIXe siècle tentaient d’extraire une saisissante beauté. Le genre romanesque a évolué jusqu’au point où son antique vocation de peindre ce qui est simplement humain le conduit à représenter la défaite des valeurs dont il se réclamait précédemment (l’amour, la vertu) et à montrer surtout notre condition mortelle. Au lieu de tisser ensemble des histoires consolantes, suivant l’ancienne formule, il en vient à dire exclusivement, ainsi dans les dernières œuvres de Beckett, l’élévation d’une voix funèbre.
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«Ce livre, adopté presque aussitôt par la commission d’instruction publique pour les bibliothèques et les lycées, est curieux et rempli d’érudition. On peut le regarder comme un petit chef-d’oeuvre de la linguistique moderne. La préface qui le précède a été écrite avec ce goût délicat et ce style charmant qui caractérisent le talent de Charles Nodier. Il faut avouer pourtant que l’auteur va un peu trop loin lorsqu’il considère l’onomatopée comme la source unique de toutes les langues ; il aurait pu se borner à induire d’une grande quantité de mots que ce fut, à l’origine, une des sources les plus abondantes, mais à l’origine seulement. “L’onomatopée, dit-il, est le type des langues prononcées comme l’hiéroglyphe est le type des langues écrites. Ainsi, soit par des signes figurés, soit par des sons, l’homme en créant le langage a cherché à donner une idée de l’objet
qu’il avait en vue”. Cette base est solide, à condition qu’on ne l’élargisse pas indéfiniment. L’ouvrage de Nodier est plein de recherches et d’observations fines. Non seulement on y trouve toutes les onomatopées françaises, celles qui en ont le caractère indubitable, mais Nodier restitue ce caractère à une foule de mots qui l’avaient perdu par suite d’un long usage, et il le fait apercevoir dans une foule d’autres où il est moins marqué. Ainsi, il fait observer que les noms des principaux organes de la parole commencent en français par une articulation qui met en jeu l’organe même désigné : gosier commence
par une gutturale, langue par une linguale, dent par une dentale, nez par une nasale, etc. ; il y a là, en effet, une tendance imitative qui tient de l’onomatopée.»
(Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, t. XI, 1874)
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Georges Bataille – pour qui la «communication profonde veut le silence» – a successivement défendu et désavoué l’auteur du Journal du voleur. Des deux articles qu’il lui consacre, le second est le seul qui ait connu une postérité, car il figure dans
La Littérature et le Mal. La teneur en est nette et sans appel: l’œuvre de Jean Genet est un «échec», elle contrevient aux exigences de la communication. Une telle sévérité tranche avec la défense sans réserve, quelques années plus tôt, de Haute Surveillance. Pour quelles raisons Bataille révise-t-il de manière si drastique, entre 1949 et 1952, son jugement sur Genet? L’objet de cet essai est d’éclairer le mystère de cette volte-face. Outre l’effet majeur de l’intervention de Jean-Paul Sartre et de sa préface, Saint Genet, comédien et martyr, François Bizet interroge la possibilité d’un rejet plus profond, lié au jeu des affects, que seul un examen attentif des textes, replacés dans le contexte intellectuel qui les a suscités, peut faire apparaître. Ce qui est appelé ici «communication» sans échange ne désigne toutefois pas seulement les rapports complexes et conflictuels des deux philosophes, mais bien la relation littéraire telle que la concevait le poète Jean Genet, lequel, dans les années 1960, las de la polémique dont il avait été l’objet, déclarait écrire «pour l’innombrable peuple des morts».
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"Littérature contemporaine et "histoires" de l’art" montre en quoi l’intérêt porté par les écrivains occidentaux aux arts plastiques s’est profondément renouvelé depuis la dernière décennie du XXe siècle. Au lieu d’avoir pour horizon les pratiques artistiques contemporaines, les œuvres de fiction se ressourcent désormais dans le passé de la peinture, parfois au plus lointain du patrimoine européen. Cette reconnaissance conditionne l’émergence et l’essor d’un nouveau paysage littéraire, qui relance la question de la transmission du savoir artistique et de l’identité culturelle. Lorsque l’expérience actuelle de la peinture ancienne confère une valeur éthique à la mémoire, une dimension existentielle à l’esthétique, sollicitant l’imaginaire pour devenir résolument anachronique, le parcours critique ainsi ouvert dans la discipline historique de l’art permet d’en proposer une autre approche, voire d’autres généalogies. Pratique littérale d’une esthétique de la réception, elle prête l’oreille au public anonyme de tous temps comme de tous lieux, féminin souvent. De l’enseignement universitaire à la manière d’écrire les vies d’artistes ou d’exposer la peinture, c’est l’univocité du récit historique de l’art (fondant à la fois les jugements de goût, les institutions culturelles et les modes de connaissance) que les écrivains réévaluent aujourd’hui. Romans policiers, regards viatiques et fictions iconographiques élaborent une esthétique anthropologique de la culture occidentale pour tenter d’en restituer la voix et les gestes perdus, mais également le potentiel méconnu. Aux flux envahissant d’images aussi rapidement consommées qu’oubliées, ces récits contemporains opposent une résistance en recomposant – à travers peintres et peintures d’autrefois – la langue de leurs attentes.
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Les documents rupestres présentés appartiennent à deux sites sahéliens proches, ayant en commun une population et une culture touarègues semblables.
C’est le premier document épigraphique publié de cette nature, constitué de deux corpus déchiffrés et en grande partie traduits. Les signes alphabétiques appartiennent aux alphabets touaregs contemporains bien connus. Ils notent un parler touareg (berbère) spécifique des régions sahéliennes.
Ce travail a été fait au sein du groupe de recherche « Répertoire des inscriptions libyco-berbères » (RILB), pôle d’investigation interne au séminaire « Libyque et berbère » dirigé par le professeur Lionel Galand à l’École pratique des hautes études, Section des sciences historiques et philologiques, à la Sorbonne.
Les auteurs relèvent administrativement de l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
Mohamed Aghali-Zakara est enseignant-chercheur à l’Inalco où il dispense des cours de berbère (touareg). Professeur invité à l’Institut universitaire oriental de Naples (Italie), il y dispense un enseignement sur « Histoire et culture du Sahara et du Sahel ». Il a publié divers travaux sur le monde touareg – langue, psycholinguistique, littérature et écritures libyco-berbères – ainsi qu’en sciences de l’éducation.
Jeannine Drouin, directeur de recherche au CNRS, a publié de nombreux travaux de linguistique, littérature et épigraphie berbères ; elle a enseigné l’ethno-sociologie du Maghreb à l’université René-Descartes–Paris V et la littérature berbère à l’Inalco.
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Joyce Mansour fut l'une des dernières grandes figures du surréalisme: séduisante et secrète, scandaleuse et touchante, elle fascina tous ceux qui, de près ou de loin, participèrent à la dernière période du mouvement. Mais elle fut aussi, et surtout, l'une des voix les plus originales qu'ait donné à entendre le surréalisme d'après-guerre. Saluée par Breton, Michaux, Mandiargues ou Leiris, son œuvre reconduit l'expression tourmentée du désir par-delà la frontière des genres; elle en déploie tous les registres dans une exploration sans fin des dessous de l'humanité à laquelle Bellmer, Alechinsky, Matta ou Camacho donnèrent de fulgurants échos plastiques.
En dégageant les motifs obsédants qui, à travers la diversité des textes abordés, en soulignent aussi la singularité respective, Stéphanie Caron éclaire pour la première fois la cohérence sous-jacente et le cheminement profond de l'œuvre. Interrogée dans son déroulement chronologique, celle-ci se présente autant comme un témoignage inédit sur les dernières décennies surréalistes, que comme l'expression complexe d'une quête éperdue, celle d'une identité poétique, surgie d'un entrelacs de figures et d'écrits antérieurs. Récits et poèmes sont traversés de voix diversement modulées, travaillant à relancer la conquête de soi qui en constitue toujours l'horizon. Aussi est-ce le sort réservé au lyrisme qui permet de comprendre comment la parole devient - en sa profuse inventivité - la véritable terre natale de la poétesse. Né de l'exil et de la perte, le lyrisme de Joyce Mansour se donne d'emblée pour objet, non l'expression d'un sujet préexistant, mais la recherche variée de postures permettant de dire le «je» sans le réduire au moi. De la mise hors de soi engagée dans les poèmes (Cris) à l'ekphrasis lyrique (Phallus et Momies), en passant par la fiction autobiographique (Iles flottantes), l'œuvre mansourienne s'ordonne en une série de stratégies tour à tour éprouvées pour cerner ce qui se trame, au juste, dans Le Bleu des fonds.